La chanson

La chanson

“La critique est aisée mais l’art est difficile”, une vielle citation. J’aime bien parcourir les citations. Au boulot, par exemple, quand t’as tellement de trucs chiants à faire que tu sais pas par où commencer. J’ai environs un quart d’heure chaque  matin pour me décider. Si je suis incapable d’aborder quoi que ce soit pendant ce laps de temps, c’est foutu. Heureusement, ça n’arrive pas souvent. Mais quand ça arrive, j’aime bien parcourir les portails de citations. Ça m’inspire, parfois ça me fait penser. Même si on pourrait croire que c’est pas vraiment pour ça que je reçois un salaire, je suis convaincu que ça m’aide à construire. Puisque finalement mon job, c’est imaginer et construire des choses.  Mon vrai job.

C’est un peu comme la clope – café, à toute heure.

Moi je trouve que l’art n’est pas vraiment difficile, c’est bien pour ça que je suis tombé sur Philippe Néricault, dont je n’aurais jamais entendu parler autrement: j’avais raté mes quinze minutes. Finalement, on arrive bien au monde en babillant, en dessinant, en chantant.

Ce qui est plutôt difficile c’est de tenir, plutôt de retrouver la piste une fois qu’on t’a limé, poli, réduit.

 

  • Bon, d’accord, t’as foiré la première tentative, tu sais bien qu’on va te soutenir. Si tu veux revenir à la musique, ou plutôt recommencer sérieusement, faudrait peût être explorer toutes les possibilités. C’est pas facile de vivre de la musique, tu sais.

 

Mon terrain artistique c’est la musique. Ça l’a toujours été je pense, maintenant que j’ai quelque perspective.

J’aime bien écrire, j’aime bien écrire des chansons. C’est pas que je sois particulièrement musicien: je ne joue vraiment d’aucun instrument, même si  je touche à tout. J’ai peut être une une oreille entrainée vue ma formation d’ingénieur du son, mais aucune technique vocale. Une tessiture assez pauvre, qui tombe entre le bariton et la partie basse du tenor, la plus courante chez un amateur sans entrainement. Pas vraiment compositeur non plus, ça fait un peu grandiloquent, ça suppose une formation académique, une connaissance profonde des règles de l’harmonie et de l’arrangement. Moi je suis presque autodidacte. Et puis je ne suis pas écrivain non plus, loin de là; c’est juste que j’aime la musique des mots, la poésie. La mélodie, le rythme et l’émotion que tu peux découvrir sans crier gare au détour d’une phrase anodine.

Et puis quand j’entre dans la cave humide de ma musique, il n’y a plus de discipline qui vaille. J’ai bien quelques routines, quelques habitudes, des bonnes et des mauvaises, mais le vecteur directeur principal c’est le chaos, étroitement  solidaire de mes émotions.

Par contre, je me sens assez à l’aise avec les machines, les bidules, les boutons, les potentiomètres, la manipulation, l’édition, le montage.

Ça compense un peu le reste. Et puis tout ça m’a pris sur le tard, quand même.

J’aime la chanson puisque c’est une forme musicale qui répond assez bien à mes ambitions et capacités: une oeuvre courte et synthétique qui doit raconter une histoire. Faut y mettre un peu de travail poétique, surtout quant au rythme des mots. Et puis la chanson me permet d’explorer, ou poursuivre mes émotions. C’est un terrain libre. Personne ne peut vraiment te contrôler, te dire ce qui est bon ou mauvais, tant que tu n’essaies pas de te caser sous un standard technique ou narratif. Tant que tu n’attends pas grand chose en retour.

Il s’agit de s’exprimer, de s’épancher, de modeler ses émotions et les faire résonner avec la musique.

La chanson m’envoie normalement aux structures simples: 3 ou 4 accords, le blues, le country, la pop. Bien sûr la chanson française gravée sous ma conscience, la chanson italienne aussi, toujours pleine de bon goût; et puis le boléro et le tango, surtout du point de vue des textes.

Chaque musicien a quelque chose à dire: celui là voudra dire qu’il est le guitariste le plus rapide du monde. L’autre voudra danser et faire danser, un troisième voudra peut être dominer les règles de l’harmonie.  L’un peut  construire une symphonie insensée, l’autre une sonate pour piano. Un tel écrira, l’autre interprétera. Untel chantera, l’autre pas. Moi j’écris, j’enregistre et je chante mes chansons.

Souvent pour moi tout seul. Le plus souvent.

Tout de même, la musique est probablement le seul territoire imprenable qu’il me reste. Je peux y faire ce que je veux. Je peux affiner ou laisser passer. Je peux rire et pleurer. Je puis écrire bien ou mal, perdre le souffle, distorsionner le micro ou le preamp. Je peux crisser les dents sur un Ré mineur désaccordé. Tant que je suis le seul à m’écouter, rien à foutre. Quand quelqu’un d’autre écoute, bien sûr, tu  tombes sur des éloges et des critiques, voire du mépris. C’est normal. Mais c’est toujours toi qui décide.

C’est comme parler de la vie autour d’un café: chaque petit souffle, chaque petit sanglot passé, chaque petit souvenir que tu chéris, t’ont fait différent, unique. Tu vas jamais être d’accord avec l’autre, il faut juste le respecter et décider si t’as envie de l’écouter, d’échanger, de partager.

Cependant, même si aujourd’hui  j’identifie aisément les indices qui auraient dû me mettre sur la piste, toujours est il que je n’aurais pas bougé de mon petit coin du pacifique si je n’avais rencontré un moteur.

 

Telecaster, je jette mon sac sous le flipper

Telecaster, je flippe quand j’regarde le compteur